Derrière le miroir n°226, Maeght

profondément le flot des événements : Berlin et Munich. II étudia l’art dans la capitale bavaroise où il fréquentait le même café qu’Adolf Hitler. En 1933, il s’enfuit à Paris pour échapper aux Nazis, et y gagna misérablement sa vie comme graphiste. Emprisonné par les Français en 1939, parce qu’étranger et ennemi, il réussit à obtenir sa libération à condition de s’engager dans les forces armées; mais lors de la débâcle de 1940, il se retrouva en prison. S’étant évadé in extremis, il s’enfuit à pied à travers la France puis au Portugal et dut sans cesse affronter des situations dramatiquement incertaines ou périlleuses, et être le témoin d’odieux exemples de la faiblesse humaine dans les moments cruciaux. II voyait la vie quotidienne sous son angle le plus grotesque. En 1941, il réussit à atteindre New York où il vécut d’illustrations à caractère commercial. Au bout de dix ans, il se consacra totalement à la peinture. Il avait cinquante ans. II lui fallut attendre encore dix ans pour que le public reconnût en lui un artiste exceptionnel. Dès lors, il se sentit à l’aise à New York, dont certains aspects urbains acquirent une importance croissante dans son œuvre.
L’exil et l’aliénation face à la violence et au danger furent des éléments     déterminants     pour    le    développement    de    la

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personnalité de Lindner : ils forgèrent son tempérament d’homme et d’artiste tout à la fois. Toute réflexion lucide sur Lindner montre que son art ne pouvait exister sans l’expérience acquise avant qu’il ne commence à peindre en 1950. L’art et la vie forment une entité indivisible, et l’on ne saurait distinguer les prérogatives de la liberté totalement créatrice du déterminisme obscur mais infaillible qui dicte la sélection opérée par la vision de l’artiste. Il n’est totalement libre d’être lui-même que dans la mesure où il sait qu’il n’y a pas d’autre choix. Outre l’aliénation et l’exil, seul le sentiment permanent d’appartenance à une minorité incomprise ou persécutée, conduit l’artiste à une conscience aiguë de sa puissance créatrice. Car son être d’artiste dépend du recul qu’il prend par rapport à la société et à la culture dont son œuvre tentera de fixer une image durable. Ainsi on peut considérer que la vie de Lindner est un reflet cruel du chaos culturel et du drame moral de ce siècle, et que ses tableaux s’imposent comme les emblèmes de ce drame.
Les artistes majeurs créent des mondes qui sont spécifiques, pluriels, qui échappent au temps et, de façon sublime, aux circonstances humaines de leur création et de leur pérennité.

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profondément le flot des événements : Berlin et Munich. II étudia l’art dans la capitale bavaroise où il fréquentait le même café qu’Adolf Hitler. En 1933, il s’enfuit à Paris pour échapper aux Nazis, et y gagna misérablement sa vie comme graphiste. Emprisonné par les Français en 1939, parce qu’étranger et ennemi, il réussit à obtenir sa libération à condition de s’engager dans les forces armées; mais lors de la débâcle de 1940, il se retrouva en prison. S’étant évadé in extremis, il s’enfuit à pied à travers la France puis au Portugal et dut sans cesse affronter des situations dramatiquement incertaines ou périlleuses, et être le témoin d’odieux exemples de la faiblesse humaine dans les moments cruciaux. II voyait la vie quotidienne sous son angle le plus grotesque. En 1941, il réussit à atteindre New York où il vécut d’illustrations à caractère commercial. Au bout de dix ans, il se consacra totalement à la peinture. Il avait cinquante ans. II lui fallut attendre encore dix ans pour que le public reconnût en lui un artiste exceptionnel. Dès lors, il se sentit à l’aise à New York, dont certains aspects urbains acquirent une importance croissante dans son œuvre.
L’exil et l’aliénation face à la violence et au danger furent des éléments     déterminants     pour    le    développement    de    la

personnalité de Lindner : ils forgèrent son tempérament d’homme et d’artiste tout à la fois. Toute réflexion lucide sur Lindner montre que son art ne pouvait exister sans l’expérience acquise avant qu’il ne commence à peindre en 1950. L’art et la vie forment une entité indivisible, et l’on ne saurait distinguer les prérogatives de la liberté totalement créatrice du déterminisme obscur mais infaillible qui dicte la sélection opérée par la vision de l’artiste. Il n’est totalement libre d’être lui-même que dans la mesure où il sait qu’il n’y a pas d’autre choix. Outre l’aliénation et l’exil, seul le sentiment permanent d’appartenance à une minorité incomprise ou persécutée, conduit l’artiste à une conscience aiguë de sa puissance créatrice. Car son être d’artiste dépend du recul qu’il prend par rapport à la société et à la culture dont son œuvre tentera de fixer une image durable. Ainsi on peut considérer que la vie de Lindner est un reflet cruel du chaos culturel et du drame moral de ce siècle, et que ses tableaux s’imposent comme les emblèmes de ce drame.
Les artistes majeurs créent des mondes qui sont spécifiques, pluriels, qui échappent au temps et, de façon sublime, aux circonstances humaines de leur création et de leur pérennité.

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